Le patchwork est un passe-temps, une passion, parfois même une véritable philosophie de vie. Assemblage de morceaux de tissus, modestes chutes ou précieuses étoffes, il s’exprime à travers des couvertures, des vêtements, des objets décoratifs ou des œuvres d’art. Qu’il soit fait de simples carrés colorés ou de savantes compositions géométriques, populaire et anonyme ou chef-d’œuvre d’artiste textile, le patchwork conjugue mémoire et modernité.
Ce second article d’une série consacrée aux arts du fil propose de redécouvrir cette technique, longtemps considérée comme un « ouvrage de dames », mais qui connaît aujourd’hui un véritable regain d’intérêt. Comme la broderie, le tricot ou le crochet, le patchwork incarne ce désir de faire de ses mains, et inspire aussi bien les amateurs que les créateurs de mode et les créateurs contemporains.
Qu’est-ce que le patchwork ?
Une définition s’impose pour mettre tout le monde d’accord :
Patchwork : travail de couture consistant à assembler, à l’aiguille ou à la machine, des morceaux de tissus de formes et de couleurs variées pour former un nouvel ouvrage. (Larousse)
Petit retour historique pour planter le décor
Le patchwork est sans doute aussi ancien que l’aiguille et le fil. Dès l’Antiquité, on retrouve des traces d’assemblages textiles en Égypte, en Inde, en Perse, en Grèce et en Asie centrale. Ces premiers patchworks avaient autant une fonction utilitaire qu’ornementale : réparer, recycler, protéger, mais aussi embellir.
En Europe, la technique est utilisée à partir du Moyen Âge : les vêtements portés par les Croisés sous leurs armures, les caparaçons protégeant les chevaux lors des tournois, ainsi que les étendards, étaient quiltés (matelassés). Le costume d’Arlequin en « piécé » (assemblé) illustre déjà cette tradition. Mais le patchwork décoratif et artistique, tel qu’on le connaît aujourd’hui, est très récent.

Le patchwork, un art textile universel
Du kantha indien aux assemblages japonais boro, en passant par les quilts d’Europe et d’Amérique, le patchwork est une pratique partagée par de nombreuses cultures. Il est partout le témoin de la mémoire familiale et collective. Chaque pièce cousue raconte une histoire : la vie d’un vêtement porté, un événement familial, un échange entre générations.
Au cours des siècles, chaque pays d’Europe a apporté sa contribution au développement du patchwork. Mais c’est l’Angleterre qui vit l’apothéose de cette production, du moins jusqu’à ce que les couturières du Nouveau Monde viennent lui disputer cet honneur.
Le patchwork en Angleterre
Au retour des Croisés, les femmes utilisèrent largement le capitonnage pour la lingerie avec des tissus précieux (soie, satin, taffetas), le réservant aux classes nobles. Les femmes plus humbles utilisèrent des tissus usagés et des chutes de couturières pour confectionner des vêtements et des couvertures.
C’est à l’époque élisabéthaine (1558-1603) que le patchwork devint un art. Marie Stuart, reine d’Écosse, consacra sa réclusion au patchwork ; certains de ses ouvrages sont aujourd’hui conservés à la Tour de Londres.
Les ouvrages les plus riches datent de l’époque victorienne (1837-1901). Le patchwork y est mentionné dans les testaments et légué au même titre que les objets précieux. Les quiltmakers allaient de ville en ville pour matelasser les ouvrages et étaient payés selon la quantité de fil utilisée. Le « marker », celui qui traçait au crayon les lignes de matelassage, pouvait créer des dessins très complexes ; Joe Hedley est le plus célèbre marqueur du XVIIIᵉ siècle.
Les débuts du patchwork en Amérique
Les débuts du patchwork en Amérique
Au XVIIᵉ siècle, les premiers colons européens en Amérique connurent la misère. Les femmes durent confectionner leurs couvertures à partir de tissus de récupération (vêtements usagés, sacs de grains ou de farine) et les rembourrer avec des matériaux comme la paille, les feuilles sèches ou le papier.
Ces ouvrages étaient assemblés par des nœuds, car le matelassage était impossible avec de tels matériaux. Ce n’est que plus tard, avec la culture du coton et l’élevage des moutons, que le matelassage piqué régulier apparut.
C’est à l’époque des pionniers que naissent les blocs, permettant de réaliser les ouvrages par petits morceaux, travaillés partout, même dans les chariots.

Les Amish
Impossible de parler du patchwork américain sans évoquer la tradition amish qui sera très présente dans l’exposition Art Textile du Salon, avec des pièces de la collection de Charles Edouard de Broin.L’histoire des Amish débute en Suisse au XVIᵉ siècle, avant leur émigration en Amérique du Nord, où ils vivent aujourd’hui principalement en Pennsylvanie, dans l’Ohio et l’Indiana.
Leurs quilts reflètent la simplicité de leur mode de vie.
Les patchworks amish se distinguent par leurs tissus unis, leur absence de biseaux aux angles, et leurs blocs répétitifs limités à deux couleurs.
Les Amish de Pennsylvanie sont restés les plus fidèles aux traditions, tandis que d’autres communautés ont intégré des variations de motifs.
Ces contraintes confèrent à leurs quilts une merveilleuse simplicité et une grande force visuelle.
Les pionnières américaines ont donné des noms évocateurs à leurs blocs, facilitant les échanges et la reconnaissance des motifs. Ils sont inspirés : de la vie quotidienne (Log Cabin, Shoo-Fly…), de la nature (Evening Star, Snow Ball…), de la Bible (Jacob’s Ladder, David & Goliath…), ou encore des lieux (Road to Oklahoma…).
Log Cabin
L’un des plus célèbres motifs, souvent considéré comme américain mais attesté dès 1700 en Angleterre et en Suède. Le carré central rouge symbolise le feu du foyer ; les variations de tons clairs et foncés créent d’innombrables compositions : « la grange », « les éclairs », « les sillons »… Ce motif, simple et pratique, accompagne la vie des pionniers et illustre leur attachement à la maison et à la chaleur domestique.

Patchwork ou Quilt ?
Pour un même ouvrage, on parle de Quilt aux États-Unis et de Patchwork en Europe. Le mot Quilt, d’origine latine, signifie « rembourré » ou « matelassé », tandis que Patchwork (de patch = morceaux et work = travail) désigne plutôt l’assemblage du dessus de l’ouvrage.
Le patchwork au XXᵉ siècle et aujourd’hui
Au XXᵉ siècle, le patchwork connaît plusieurs renaissances. En période de crise, il retrouve sa fonction première : rien ne se perd, tout se réinvente. Mais dans les années 1960-70, il devient également un manifeste créatif. Le mouvement hippie, le DIY et la redécouverte des traditions artisanales lui offrent une nouvelle visibilité.
Les assemblages ludiques ont aujourd’hui le vent en poupe ! Autrefois réservé aux courtepointes de nos grand-mères, le patchwork revient sous de multiples formes et matériaux. La règle est simple : oser l’association de couleurs et d’imprimés sur une même pièce.
Une envie de faire ensemble
Comme pour la broderie, le patchwork rassemble. Clubs de quilting, ateliers collaboratifs, projets collectifs… cette pratique favorise les rencontres et le partage. Chaque pièce apportée par un participant devient partie d’un tout plus grand, à l’image d’une mosaïque humaine.
Ainsi, le patchwork illustre merveilleusement le rapprochement des cultures. Par son caractère universel et populaire, le patchwork rassemble et perdure à travers les siècles. Par son principe de récupération, il est plus que jamais d’actualité. Une invitation à coudre, assembler, raconter et partager.

- Patchwork, une mosaïque du monde
- Le livre de Catherine Legrand aux éditions de La Martinière
- De l’Antiquité à nos jours, un voyage en images à travers les continents à la découverte d'un art textile universel, le patchwork.
Pour vous initier ou vous perfectionner, retrouver différents ateliers patchwork sur le salon
